vendredi 7 janvier 2011

Changement, Oui mais le quel ?

De retour au pays des « droits » de l’Homme et du citoyen … Je pleure ce pays où les hommes n’ont aucun droit et où « citoyen » est un terme que beaucoup ne connaissent pas.

Je regarde les quelques vidéos postés sur les pages « Facebook » censurées au pays du « non droit » et j’ai le cœur qui pleure, la chair de poule, et un sentiment d’impuissance sans égal !
Du fond de mon canapé, j’écris ces quelques mots, mais je sais qu’ils seront pour la plus part interprétés comme un signe de lâcheté, soit disant, cachée derrière mon écran d’ordinateur, appelant le peuple à ne pas baisser les bras et leur assurant qu’un jour on aura gain de cause (ce jour ne serait tarder), je ne m’engage pas vraiment.  

Des signes de faiblesses du pouvoir ont finalement été révélés, l’armée s’en mêle !!!!! Un signe qui ne trompe pas. La police impuissante face à cette population acharnée et très décidée à changer les choses ; nos « cher » mais ô combien « cheap »* gouverneurs, à bout de solutions contre cette émeute qui jaillit de tous les côtés, de tous les coins du pays, et dont le but commun est de faire tomber cette anarchie dictatoriale et fasciste. 

La triste liste (pour reprendre l’expression du rédacteur du magazine Jeune Afrique) des victimes, ne fait que s’allonger de jours en jours, il n’existe pas un matin où je me réveille priant de ne pas lire ou entendre parler d’un nouveau suicide ou d’une autre immolation. Bien que je condamne cet acte que je considère comme lâche, mais je les pardonne aussi, et leur donne le bénéfice du doute. Je ne suis ni dans leur situation, ni apte à comprendre leur malaise en profondeur. Je sais juste qu’ils tuent leur jeunesse, qu’ils mettent fin à leur vie, et dieu seul sait combien une vie est cher et qu’il est impardonnable de la gaspiller.

Dieu ne sait néanmoins pas (à prendre au 3ème voir 4ème degré, je ne mets aucunement le pouvoir de dieu en cause), qu’il est impossible ou quasi-impossible de profiter de cette vie dans ce pays où tout nous pousse à rejoindre un monde meilleur pour ne plus supporter cette vie de chiens.

Je les vois dans les rues, ces pauvres jeunes dont l’avenir est quasiment voué à l’échec, ils sont là a vagabonder des heures durant de cafés en cafés, de coins de rue en coins de rue, de bars en bars …

Et c’est désolant de voir une génération vouée à l’’échec et à la perte totale.

Je suis une jeune femme parmi ces jeunes tunisiens, je me considère certes chanceuse, mais je ne pourrai rien faire pour ce pays seule. Les quelques jeunes qui ont la chance que j’ai ne sont qu’une minorité qui pour la plus part ne se sentent aucunement concernés par cette situation tragique par la quelle passe le pays.

Je vois des villes, et des régions entières sens dessus dessous, mais je ne vois rien qui se passe dans la capitale. La capitale est le cœur du pays, la capitale est le changement … Le leader de la révolution si le terme est adéquat.

Quand je parle de capitale, je ne parle ni des quartiers huppés, ni des jeunes qui ont accès à « l’information », je parle des villes regroupant un nombre incalculable de jeunes perdus et dont la situation n’est même pas précaire, elle est inexistante.

On me dit, qu’avec la tournure que prend cet évènement (sur médiatisé sur internet, sur les chaînes françaises et étrangères), ces gens-là n’ont pas les moyens requis pour se rendre compte de quoi que ce soit ! Chose qui n’est pas du tout fausse.

Ceci étant, une question me tracasse, en supposant que ces jeunes des quartiers populaires de la capitale, se réveillent, qu’ils commencent à se révolter contre le système.

Quel système vont-ils attaquer ?

La politique ne leur dit rien, ils n’en savent rien, ils ne s’en préoccupent pas vraiment. La précarité de l’emploi, ça les connait, mais ils savent aussi que sans diplômes on ne peut pas faire grand-chose, cette idée est basée sur la simple idée que j’ai de ces quartiers-là.
Leur problème premier est la pauvreté, « l’injustice » qui existe entre deux classes sociales. Ces jeunes sont remontés contre d’autres jeunes, des « fils à papa » qui ont une voiture et un portefeuille qui compte plus que deux sous, un rythme de vie qu’ils leur envient et surtout une certaine paix intérieure résultant d’une bonne situation financière.

Le problème qui se pose donc selon moi, c’est de savoir si nous avons parmi ces gens qui clament la liberté au pays, qui poussent les jeunes à se révolter contre le système en place, quelqu’un qui pourrait faire foi de « Leader révolutionnaire » quelqu’un qui pourrait guider les jeunes des quartiers populaires main dans la main avec ceux des quartiers huppés pour un changement bénéfique aux deux classes, car le cas échéant c’est vers une guerre civile qu’on se dirige, une situation que personne ne pourra contrôler où l’on verra ces jeunes des quartiers populaires se révoltés contre ceux des quartiers huppés.

Une révolution sous le signe de la haine et de l’injustice.

Ce qui ferait encore plus de mal à ce pays, du fait que le système en place, changera certes mais vers un système d’autant plus néfaste à savoir « l’intégrisme religieux ». Une telle conclusion m’est venue à l’idée du fait que c’est une masse qui augmente de plus en plus à cause de la pauvreté a mon humble avis.

La monté de l’intégrisme en Tunisie, est animée par ceux qui n’ont plus foi en rien, qui se réfugient dans la religion, pour se sentir plus en « sécurité », un sentiment appuyé par des « émissions » de télévision qui ne font qu’aggraver la situation.
Le voile est devenu synonyme de cache misère pour les femmes, et l’habit traditionnel provenant tout droit du moyen orient qu’on appelle « Deshdash » (longue robe blanche que portent les hommes) pour les hommes.

Cette image me rappelle la scène finale du film « Making off » de Nouri Bouzid, où Bahta (personnage principal) se donne la mort en « s’explosant » comme les « moudjahidin » sur un conteneur écrit dessus en lettres capitales « Capital », un message à mon avis très fort contre la montée de l’intégrisme, qui sous-entend pour ceux qui ne connaissent pas le film, que si cette minorité se met à croitre et à prendre du pouvoir, nous ne verrons plus le bout du tunnel.

Je ne voulais pas dans cet article parler de la situation du pays, encore moins de celle du système que des moins que rien dirigent mais plutôt d’anticiper les conséquences de cette « révolution » qui se devra d’être vraiment bien organisée et surtout bien réfléchie. Par expérience, quand on se sent vulnérable et qu’on vient nous raconter un nombre incalculable de choses qui feraient notre bonheur, inconsciemment on se dit qu’on a plus rien à perdre et donc qu’il ne serait pas mal d’essayer autre chose, le genre de discours que tiennent ces personnes-là qui font de la religion une arme redoutable sur le plan social.  

Parler de changement oui c’est bien, encore faut-il savoir vers quoi est ce que nous nous dirigeons, si c’est pour devenir, un pays libre où il fait bon y vivre tant mieux, si c’est pour devenir, un petit Iran ou Irak , non merci, gardons ce système …


Comme le dirait le dicton tunisien : « Ched mchoumek la yjik ma achwem ».

L.C 



Modification de dernière minute suite à la lecture d'un article de l'AFP concernant les évènements récents en Tunisie et en Algérie, une phrase de Tarak Ben Ammar a attiré mon attention: 

"Imaginez un ou deux Mahmoud Ahmadinejad (président d'Iran) arrivant au pouvoir en Algérie, en Tunisie ou au Maroc (...) C'est entre cinq et dix millions de personnes qui quitteraient l'Afrique du Nord, en bateaux, à la nage, sur des radeaux, pour venir en Corse, en Sardaigne, en Sicile, sur la Côte d'Azur", a mis en garde Tarak Ben Ammar, hommes d'affaires et producteur.

Voici l'article par ailleurs pour les intéressés: 



*(Il n’existe a priori pas de mot en français pour dire de quelque chose qu’elle est bon marché ou plutôt dans notre cas médiocre en politiquement correct d’où l’utilisation du mot « cheap » en anglais qui regroupe toute cette pensée !) 



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