Je ne suis ni un adepte inconditionnel ni encore moins un consommateur impénitent et invétéré des drogues appelées douces, mais par souci de participer à un débat d’idées faisant rage sous d’autres cieux, que j’aborde un tel sujet afin de délimiter le périmètre et le pourtour d’une question qui fait couler beaucoup d’encre et de salive: la dépénalisation ou la légalisation de la consommation de ces drogues.
De prime à bord, je veux préciser la terminologie qui sera utilisée tout au long de cette réflexion afin d’éviter tout amalgame et incompréhension sur la portée réelle des idées avancées.
Drogue douce par opposition à drogue dure dont la consommation entraine obligatoirement addiction. Des études sérieuses ont démontré que l’utilisation de ces drogues douces ne conduit pas à des phénomènes particuliers d’accoutumance et de dépendance et ne mène pas inéluctablement à la drogue dure.
Mais bien plus, soutiennent d’autres études scientifiques qui mettent en avant l’effet thérapeutique d’une utilisation modérée et à petites doses de ces drogues tel que le traitement des migraines, allégement des nausées et des douleurs liées à la chimiothérapie, empêchement de crises d’épilepsie, maitrise de la paralysie en cas de sclérose en plaque…
La dépénalisation se traduit par la disparition du caractère pénal attribué à la consommation de ces drogues considérée comme une infraction passible en Tunisie d’une peine d’un an d’emprisonnement et d’une amande allant jusqu’à 2000 DT.
La légalisation est entendue en tant que procédure pour rendre légal tel ou tel acte.
La politique répressive suivie jusque-là en matière de lutte contre la consommation de ces drogues s’est avérée vaine et improductive. Non seulement elle n’est pas dissuasive, mais n’a eu aucun impact sur le niveau de la consommation. La prohibition enrichit par contre les mafias et encourage la corruption à tous les niveaux.
Une légalisation partielle et contrôlée par l’Etat, peut contribuer à mieux lutter contre les trafics et les dealers.
Des études fiables ont démontrées qu'une dépénalisation diminue la consommation de ces drogues en suivant en première étape une courbe ascendante due à l’effet de vouloir essayer par curiosité. Un pic est observé mais passée cette période initiale de vouloir découvrir, une banalisation et un retour à la normale voire une baisse de la consommation sont constatés. Tout ce qui est illicite et interdit est recherché. Certains pays ont même légalisé leurs ventes sur ordonnance pour leur effets thérapeutiques et ont considéré qu'elles ne sont pas un drame pour la santé publique tel que l’alcool ou la cigarette qui ont toujours fait partie de nos us culturels et pourtant les effets extrêmes de ces drogues ne sont pas aussi dangereux que ceux d’une consommation de l’alcool et du tabac.
Le rôle de la société civile à travers les associations ainsi que celui de l’Etat serait important pour jouer le rôle préventif. Il serait mieux pour tout le monde que l’Etat investisse dans des campagnes de sensibilisation qui seraient beaucoup moins coûteuses que la solution carcérale.
Je n’ai pas pour but de chatouiller les fibres émotionnelles et passionnelles du tunisien : commun des mortel, hommes politiques, législateur en mettant en avant le cas du simple citoyen jeune, éduqué, instruit, qui voit sa vie, ses rêves, ses projets, basculer dans le néant pour un joint pris dans un moment d’égarement, ni par ailleurs d’évoquer la Constitution qui formule d’une façon très nette que la liberté de l’individu consiste à ne pas faire ce qui peut nuire à autrui.
La Tunisie, à travers son histoire récente surtout celle lors de la construction d’un Etat moderne et tourné vers l’avenir durant la période post-coloniale a toujours pris des initiatives et une législation avant-gardiste pour instaurer un modèle de société en phase avec son environnement naturel et bâtir un pays très innovateur qui ne rame pas contre le courant du progrès ( CSP, éducation, légalisation de l’IVG…)
Continuons à faire de la Tunisie un pays précurseur en dépénalisant la consommation des drogues douces. Une légalisation graduelle, partielle et contrôlée par l’Etat peut en réduire et baisser la consommation et porter un coup fatal aux abus des engraissés de la filière. J’appelle l’Assemblée Constituante qui prendra les rênes le 24 octobre, à débattre de la question et à légiférer pour une dépénalisation de la consommation et d’édicter des règles d’application. La Tunisie a bien été pionnière dans ce qu'on a tendance à appeler le printemps arabe, qu'elle le soit aussi en la matière.
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